Article de Maurice Einhorn sur le site de Regards du 23 février 2015

Retour sur ‘Je suis belge, je suis juif, dois-je partir ?’

Lundi 23 Février 2015 par Maurice Einhorn

C’est sous ce titre frappant que le Collectif Dialogue & Partage a produit une vidéo rassemblant des séquences où diverses personnes, se réclamant de la double identité de Belge et de Juif se demandent s’ils vont être obligés de partir.

Cette vidéo, qui s’est mise à circuler sur le Net, a réussi à obtenir cette attention de l’opinion et des médias que nombre d’entre nous cherchaient depuis un moment en vain à attirer. Elle constitue un véritable cri d’alarme de la part de gens qui, pour une très large majorité d’entre eux, sont bien ancrés dans ce pays, y ont construit une famille, bâti une carrière et constitué un réseau complexe d’amis. Il faut souligner que c’est la première fois dans l’histoire de l’après-guerre qu’il y a un tel sentiment d’angoisse, qui, au-delà des conclusions différentes que l’on peut en tirer,  va de l’extrême-gauche à la droite dure de la communauté juive.

Il convient d’insister sur le fait que l’appel démagogique de Benjamin Netanyahou à la diaspora de venir se réfugier en Israël a été fait après le début de la réalisation de cette vidéo, qui ne constitue donc en rien une réponse à cet appel tonitruant effectué dans une optique électoraliste par le Premier ministre israélien. Il faut de plus noter qu’un certain nombre de Juifs qui envisagent de quitter la Belgique le feraient pour d’autres pays qu’Israël, comme les Etats-Unis, le Canada ou l’Australie notamment.

Ce cri d’alarme a visiblement secoué une partie de l’opinion belge et particulièrement les médias, ce qui a donné l’occasion à plusieurs d’entre nous d’expliquer à plusieurs reprises le problème devant les caméras de la télévision ou les micros de la radio. Même le Premier ministre Charles Michel a répondu à la question posée qu’il fallait que les Juifs restent en Belgique, car le pays ne serait plus ce qu’il est sans ceux. Une déclaration qui a mis du baume au cœur de tous nos concitoyens juifs.

Une certaine confusion dans les concepts subsiste cependant, certains voulant mettre l’islamophobie sur le même pied que l’antisémitisme. Un parallélisme strict aberrant car s’il est vrai qu’un racisme anti-arabe existe bien au quotidien en Belgique, il n’a tué personne à ce jour et ne met pas dans une situation de risque l’Arabo-musulman qui affiche ses convictions, à l’instar de ce que peut subir un Juif se promenant la kippa sur le crâne. On ne tue pas des musulmans parce qu’ils sont musulmans et l’armée ne doit pas protéger les lieux où ils se réunissent.

L’hypertrophie de l’attention des médias belges pour le conflit israélo-palestinien, qui couvre 0,01% de la surface du globe et qui a fait en 60 ans moins de victimes que bien d’autres conflits dont on parle à peine, leur façon de dessiner la situation au Moyen Orient en noir et blanc, avec les méchants Israéliens contre les gentils Palestiniens, contribue largement à créer une situation où l’idée que le Juif ne peut plus du tout être considéré comme innocent prévaut de plus en plus. Le terme même de sioniste a quasiment un statut d’insulte, comme d’ailleurs dans les milieux populaires arabo-musulmans celui de juif, et ce dès la plus tendre enfance, comme nous l’a appris, lors de l’émission Controverse, Ismaël Saidi, réalisateur, scénariste et auteur de la pièce Djihad.

Seul un dialogue entre les communautés concernées et une éducation de la jeunesse arabo-musulmane dans ce sens pourraient contribuer à lever l’hypothèque d’un affrontement intercommunautaire de plus en plus radical. Sans oublier l’éducation du reste de la jeunesse belge dans le même sens. C’est une tâche monumentale, mais nous sommes aussi persuadés que le Collectif Dialogue & Partage est prêt à s’y atteler corps et âme.

http://www.cclj.be/actu/politique-societe/retour-sur-je-suis-belge-je-suis-juif-dois-je-partir

 

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *