Rencontres culturelles judéo-turques à Bruxelles

La communauté juive en Belgique subit un malaise qui s’est accru ces dernières années de manière exponentielle. l’antisémitisme dont elle souffre est le fait d’une minorité. Pour l’arrêter, il faut un dialogue.

Mis en ligne le 15/03/2004  Lalibre.be

Communautés juive et turque veulent dialoguer. Une première journée dimanche.

Dans ces temps agités, où l´extrémisme parle plus fort que le dialogue, il faut souligner l´initiative de deux groupes d´organiser à Bruxelles des rencontres culturelles judéo-turques. Ethem Kislali est vice-président de l´exécutif des musulmans de Belgique et président du «centre européen de promotion de l´interculturalité» (CEPI) qui « vise à initier une dynamique de rencontres entre les différentes cultures représentées en Belgique». Et d´autre part, Sara Brajbart est coprésidente du collectif dialogue et partage (CDP), composé de membres de la communauté juive de Belgique, mais aussi de chrétiens, qui «dénoncent l´antisémitisme et travaillent pour un apaisement des tensions entre communautés juive et musulmane». Ces deux personnalités ont uni leurs efforts pour proposer ce dimanche 21 mars, une première journée de rencontre (il y en aura d´autres avec la communauté turque mais aussi, sans doute, avec la communauté marocaine). Au programme, un film étonnant de Michel Grosman qui raconte l´histoire des derniers «dnmehs» de Turquie, ces lointains descendants du faux Messie Shabbataï Zvi et de ses adeptes, qui, au XVIIe siècle, bouleversèrent le judaïsme par leur hérésie, enflammèrent les foules à Smyrne et durent se convertir de force à l´Islam. Ils pratiquaient une sorte de syncrétisme orignal entre les deux religions. Ces descendants forment depuis lors une société quasi secrète, comme des francs-maçons. Formant une intelligentsia puissante, ils occupent toujours des postes-clés dans la société turque. Ils sont à la fois hors du judaïsme tout en gardant des traditions judaïques et hors de l´Islam classique. Une conférence-débat entre plusieurs historiens et spécialistes aura lieu ensuite autour des (bonnes) relations tissées pendant 5 siècles entre Turcs juifs et musulmans. La journée qui se déroulera à l´ULB se terminera à 18h30 par un concert de Norig Recher, chanteuse tzigane d´origine italienne à la voix envoûtante.

«Aider le dialogue»

«Dans les pays musulmans, estime Ethem Kislali, il n´y a guère de problèmes entre juifs et musulmans. Ces problèmes par contre, se posent chez nous, où quelques jeunes délinquants par ailleurs parfois musulmans, commettent des agressions ou deviennent antisémites. Ce problème est moins un problème de religions que de culture. Les musulmans intégristes ne sont qu´une petite minorité. Er si on parle des barbes ou de la place de la femme, cela n´est pas lié à la religion mais à des traditions. Il faut apprendre à vivre comme musulman mais dans une culture européenne», continue Ethem Kislali.

«On dit souvent qu´on ne parle que des trains qui déraillent et jamais de ceux qui arrivent à l´heure. C´est comme cela aussi dans ce dialogue entre cultures. On se braque sur les extrémistes et on oublie les 95 pc qui dialoguent très bien et veulent ces échanges, ajoute Sara Brajbart. La communauté juive en Belgique subit un malaise qui s´est accru ces dernières années de manière exponentielle. L´antisémitisme dont elle souffre est le fait d´une minorité. Pour l´arrêter, il faut un dialogue». «On ne résoudra jamais les choses en mettant un flic devant chaque porte, commente Ethem Kislali, mais par l´éducation. Nous voulons construire un Islam européen et pas un Islam saoudien. Mais nous sommes très peu aidés par les pouvoirs publics dans cette volonté de dialogue. Nous essayons de démontrer que le dialogue est possible à partir du terrain même».

«Rencontres d´échange entre la communauté juive et turque vivant à Bruxelles». A la salle Dupréel, institut de Sociologie, ULB, 44 avenue Jeanne, 1050 Bruxelles, de 14h30 à 20h. Rens. et réserv: 02.346.09.07 et 02.403.07.03

Guy Duplat

© La Libre Belgique 2004