Interview de Sara Brajbart-Zajtman.
« La tâche des intellectuels consiste à nommer ce que l’on ne sait pas, à voir autre chose que ce que tout le monde voit, à faire voir ce qui est invisible, à travailler tous les moments et tous les aspects de l’aventure humaine pour en instruire le procès. » c’est la mission que s’est assigné le Collectif Dialogue et Partage.
Sara Brajbart-Zajtman, connue pour sa créativité, – Sara, une idée à la minute dit d´elle Michelle Szwarcburt, présidente du Cclj – est une militante communautaire de longue date. Elle participe à la fondation de la Maison de la Culture Juive, fait connaître les expositions du Musée de la Diaspora (Beth Hatefutsot) en Europe, préside Magen David Adom-Belgique, dirige un temps Regards et crée ensuite pour le KKL, Avigall, une revue d´écologie et de bien-être. Succès sur toute la ligne, toujours. Ses « Chroniques du Yshouv » diffusées sur le site belsef (sefarad.org) sont très appréciées par la communauté. Du Collectif Dialogue et Partage, son nouveau défi, elle dit : « Avec quelques amis qui ont en commun une exigence éthique de l´être humain, nous avons constitué un groupe de réflexion; son objectif est de lutter contre certaines dérives notamment médiatiques qui suscitent l´antisémitisme et la diabolisation d?Israël. Notre sensibilité politique s´aligne sur les propositions de Clinton à Taba mais là n´est pas l´objet de notre combat.» Font partie, entre autres, du noyau de base du groupe: Maurice Einhorn, directeur du journal du Médecin, ancien collaborateur de Regards, Ouzia Chaït, ancienne directrice de l?école Beth Aviv, Joël Kotek, historien et politologue, et bien d?autres connus pour leur compétence dans leur sphère d´activités respective. Le succès a amené la petite bande de copains à créer le collectif , une initiative qui séduit ceux qui, victimes d´un amalgame souvent répandu entre Israéliens et Juifs, éprouvent la nécessité d´y réfléchir pour réagir avec pondération. « Certaines notions comme antisionisme par exemple sont complètement travesties , affirme Sara Brajbart-Zajtman . Etre antisioniste, c´est s´opposer à la politique du gouvernement israélien, pensent certains. Mais ce n´est pas du tout cela, être antisioniste c´est contester la légitimité de l´Etat d´Israël. Alors, quand on n´est pas d?accord avec cette vision faussée de l´antisionisme, on vous répond : « Ah ! Vous soutenez la politique des implantations ! » Le malentendu est total. Il me semble qu´il l´est également à propos des des attentats-suicide commis « par désespoir ! » Enfin, quand quelqu?un est désespéré et qu´il veut mourir, il n´en parle à personne et, dans le secret de son âme – comme les bonzes, fin des années 60 – décide de prendre le monde à témoin de sa protestation en faisant de sa mort un cas de conscience pour tous. Mais si quelqu´un vous parle de son projet de suicide, vous l´empêchez de le réaliser, vous ne lui donnez pas une ceinture d´explosifs en l´envoyant se faire pulvériser la cervelle ! Les Israéliens sont responsables (mais pas coupables) d´une occupation qui a trop duré, mais les sociétés occidentales (encore fascinées par le martyr christique ?) sont responsables de cautionner une société qui a élevé la mort au rang de vertu cardinale. Quand la mort, sous l´impulsion des extrémistes musulmans, est à ce point ritualisée, sacralisée, comment voulez-vous valoriser la paix ? L´indulgence envers les attentats-suicides équivaut à une prime au meurtre et a pour conséquence d´étouffer la voix des musulmans modérés bien plus nombreux que les autres. Ces derniers devraient être soutenus pour empêcher que l´extrémisme ne s´impose partout, au Moyen-Orient, en Algérie, au Nigéria mais aussi chez nous. Le manichéisme qui caractérise souvent les jugements liés au conflit du Proche-Orient expose les Juifs à un antisémitisme de plus en plus franc et qui souvent s´ignore. On a mal à notre judaïsme. On a mal à notre citoyenneté. On a mal à notre humanité. L´idée d´humanité n´est jamais un acquis définitif. C´est une école de tous les jours, une éducation permanente. La question de l´éducation est fondamentale dans une société démocratique. La société démocratique doit favoriser l´auto-éducation de ses citoyens pour nourrir d´une manière incessante l´idée d´humanité.»
Propos recueillis par Léa Crive